Suivi épidémiologique des intoxications par biotoxines marines
Le programme de veille épidémiologique de la ciguatéra, mené en partenariat avec le personnel des structures de santé publique (hôpitaux périphériques, infirmeries, dispensaires, etc.) réparties sur l’ensemble des 5 archipels polynésiens, vise à préciser l’étiologie des différentes formes d’intoxications par biotoxines marines, identifier les principaux produits marins incriminés et surveiller l’évolution du taux d’incidence annuel (TI) de chaque île et archipel.
Il permet la surveillance continue des rares zones encore indemnes de ciguatéra en Polynésie et, à l’inverse, de mettre en évidence de façon précoce, des « points chauds » (Gambier, Nuku Hiva, etc) qui constituent actuellement des sites d’étude privilégiés.
Cette surveillance épidémiologique a également permis de souligner l’émergence de nouvelles formes d’intoxications proches de la ciguatéra, aux Australes et aux Marquises, en lien avec la consommation d’invertébrés marins très prisés des populations polynésiennes (bénitiers, oursins, trocas…). Ces intoxications atypiques, regroupées sous le terme générique de « Ciguatera Shellfish Poisoning (CSP) », ont fait l’objet d’investigations poussées qui indiquent que ce phénomène est fréquemment observé dans d’autres régions du Pacifique (Lifou, Nouvelle-Calédonie, Iiles Cook, Vanuatu).
Ces cas atypiques, s’accompagnant de formes cliniques souvent plus sévères qui pourraient s’expliquer par l’exposition simultanée des patients à un cocktail toxinique formé par les toxines de Gambierdiscus et celles, entre autre, liées à la prolifération de cyanobactéries marines benthiques du groupe des Oscillatoriales (Oscillatoria, Hydrocoleum, etc.).
Enfin, nos observations suggèrent que la prévalence de cette intoxication est largement sous-estimée en Polynésie, et qu’elle pourrait être au moins multipliée par deux, voire trois. Afin d’améliorer l’exhaustivité des données, le laboratoire a mis en ligne des outils numériques, disponibles sur le site www.ciguatera.pf, qui, en plus d’ouvrir le programme de déclaration des cas d’intoxication aux praticiens du secteur privé et aux particuliers, offre un accès à une cartographie dynamique (en temps réel) des zones à risque ciguatoxique et des espèces marines les plus fréquemment impliquées dans les cas d’intoxication (www.ciguatera.pf) en Polynésie française.
L’extension de cet outil de surveillance en ligne à certains pays de la région Asie-Pacifique est l’un des objectifs de l’initiative Pacific-CIGUAWATCH.
Dr Clémence GATTI (ILM)
Direction de la santé – Structures sanitaires et Bureau de veille sanitaire (Polynésie française)